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quoi cette fête fut à la fois miraculeusement belle et très-triste. Tout ce qui compte à Paris y assistait et l’effet du premier coup d’œil fut tellement féerique, qu’on déclara vaincues à l’unanimité les magnificences des salons les plus renommés.

Ceci n’est rien à vrai dire : avec beaucoup d’argent on achète même le goût. L’élégance et l’art sont à vendre. Mais ce qui est tout : la difficile, la presque impossible, la glorieuse pureté du public ; le choix dans le nombre, la foule restant élite, ce problème que les rois eux-mêmes ne savent jamais résoudre, avait, ce soir, sa solution éclatante à l’hôtel Paléologue.

Je n’irai pas jusqu’à prétendre que l’argent ne peut pas aussi donner cela, car l’argent donne tout ; mais il faut que l’argent soit aidé par quelque autre chose. Et il y eut parmi les fées hospitalières qui régnaient alors sur Paris un sentiment d’admiration jalouse à l’aspect de cette prodigieuse cohue, faite de deux mille soleils garantis sans tache.

La mémorable réunion avait pour s’étaler un théâtre digne d’elle. Les salons et surtout les serres enchérissaient sur les descriptions des Mille et une Nuits. C’était un palais enchanté, bâti quelque part dans ce pays du rêve éternel : l’Orient, père de l’opium et berger des almées, l’Orient des parfums, des urnes magiques, des perles, des diamants, des lions, des génies ; empire de Salomon, royaume de Saba, empourpré par Tyr, doré par le Potose, où les poètes ont retrouvé épars, les lambeaux du paradis perdu.

L’Orient, tout l’Orient, était contenu cette nuit entre