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jeune homme et une jeune fille dans ce pays de sauvages ? Je ne serais pas fâchée de savoir…

— Jean de Tréglave interrompit Laure, m’endormit la première fois à mon insu, et ce fut pour envoyer mon regard au-delà de la mer, à la recherche de celle qu’il adorait, à laquelle il avait donné sa vie, et qui l’avait oublié.

Domenica eut un peu plus de rouge à la joue.

— L’enfant était-il avec lui en ce temps-là ? demanda-t-elle.

— Non, répondit la baronne, Jean de Tréglave avait un frère…

— Le brave Laurent ! s’écria Domenica.

— De celui-là, murmura Laure, que Dieu vous garde, Madame !

— Que dites-vous !

— Je vous reparlerai de ce Laurent… Jean de Tréglave avait coutume de prendre pour lui-même tout le danger. S’il avait vécu, l’enfant serait revenu en Europe plus riche qu’un roi, assez riche pour dire à son père : « Je ne veux rien de vous qui avez mis du sang à mes langes, » et à sa mère : « Je peux vous pardonner, car je n’ai pas besoin de vous. »

La marquise secoua la tête d’un air mécontent.

— Jean est donc mort irrité contre moi, dit-elle, puisqu’il inspirait de pareils sentiments à mon fils ! De si loin, vous n’aviez pas pu lui montrer mon cœur ?

— J’avais montré ce que j’avais vu de vous et autour de vous, répondit Laure sèchement ; j’avais montré le père assassin épargné par les hommes, mais sur qui