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vide. Elle le traversa en entier pour aller à la porte opposée qu’elle trouva fermée à clé, avec le verrou mis.

Quand elle revint, Laure de Vaudré avait repris son apparence pétrifiée.

— Il n’y a personne, dit la marquise, laissant la porte entr’ouverte, je vous prie de me dire à quoi vous attribuez ce bruit.

— À feu Jean de Tréglave, répliqua Laure sans hésiter.

Toute la bravoure dont la bonne Domenica était si fière disparut comme par enchantement.

— Jean de Tréglave ! répéta-t-elle et s’appuyant à un meuble, frissonnante qu’elle était de la tête aux pieds ; mais c’est un esprit, alors, ma chère ?

— Nous l’avons évoqué, prononça froidement la baronne, il est venu. Je l’ai appelé souvent. Chaque fois qu’il vient, sa présence a une voix : tantôt c’est un meuble qui se déplace, une porcelaine qui tombe…

Elle s’interrompit parce que, dans le grand salon un vase venait de tomber et de se briser en éclats.

Domenica, verte de frayeur, s’élança en chancelant vers la porte et la ferma à double tour pour prévenir l’irruption violente de l’esprit.

— Ô ma chère, ma chère ! balbutia-t-elle, tout cela est terrible, et j’ai envie de vous éveiller !

— Vous êtes maîtresse de moi, repartit la baronne, mais celui qui vous a tant aimée ne saurait vous faire aucun mal.

— C’est vrai, c’est vrai ! dit la marquise en retombant dans son fauteuil, dont toutes les jointures gémirent.