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— Vous n’avez pas du tout à vous diriger vous même, ma bonne petite, continua-t-elle d’un ton de plus en plus décidé. C’est un soin qui ne regarde que moi, tenez-vous cela pour dit ! Ce n’est pas que j’aie défiance de vous, mais vous comprenez, il me serait impossible de contrôler ce que vous allez me dire au sujet de l’avenir où même au sujet des choses présentes que j’ignore. Nous allons donc, s’il vous plaît, tenter, au préalable, une petite épreuve bien concluante à propos d’une histoire toute fraîche et que je possède sur le bout du doigt. Cela ne vous fâche pas ? Il s’agit d’un fait qui m’occupe beaucoup et auquel j’ai déjà fait allusion tout à l’heure, en me dispensant néanmoins volontairement de vous le raconter pour vous laisser l’honneur de le deviner. Je vous aime de tout mon cœur, et je compte vous le prouver par un cadeau que l’empereur trouverait au-dessus de ses moyens. Fiez-vous à moi, mais, toute simple qu’on me croit, j’ai mes idées et je ne veux pas acheter chat en poche.

Elle reprit haleine pendant qu’un sourire content épanouissait sa large beauté. Laure restait immobile autant qu’une pierre.

La marquise avança une bergère et s’y plongea d’un air délibéré.

— Si vous vous fâchiez, ma petite, reprit-elle en achevant de s’éponger avec son mouchoir, cela ne ferait ni chaud ni froid, puisque, une fois éveillée, vous ne vous souviendrez de rien. C’est vous-même qui me l’avez dit, et c’est bien commode pour moi. Voyons ! nous allons juger du premier coup si vous y voyez clair.