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— Je ne suis pas superstitieuse, continua la marquise, mais je sors d’une famille où l’on garde la tradition d’événements surnaturels. Je puis croire à certaines choses que la raison humaine ne saurait expliquer. Ce n’est pas pour vous que je dis cela, chérie, c’est pour moi. Il ne s’agit plus de votre sommeil. J’ai vu… comment dire cela ? Vous avez certainement remarqué mon trouble, tout à l’heure, lors de mon arrivée… C’est que j’avais été témoin, enfin, il y a un fait de toute évidence, que j’ai constaté de mes yeux, un fait tellement extraordinaire…

Laure l’interrompit pour demander :

— Ce fait a-t-il eu lieu à Ems ?

— Mais non, c’est ce matin même !

— Alors, vous n’êtes pas revenue à Paris tout exprès pour m’interroger ?

— Non certes… vous n’ignorez pas que j’ai plus d’un sujet de tristesse.

Laure l’arrêta.

— Je ne sais rien, dit-elle avec fermeté, je ne veux rien savoir.

— Et cependant il faut bien que je vous apprenne…

— J’entendrai tout, interrompit encore Mme  de Vaudré, mais je ne saurai rien.

Elle ajouta d’un ton de résignation presque douloureux :

— Pour tout entendre et pour ne rien voir, il faut que je dorme. Cela me fait souffrir cruellement, et pourtant, je dormirai, si vous l’exigez, Domenica.