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voulais dire, et je le répète : vous m’avez déjà parlé deux fois de mon fils. J’ajoute : vous ne m’avez jamais parlé de lui que deux fois.

Le front de la baronne se couvrit d’un nuage, et son regard exprima de l’inquiétude.

— La première fois, poursuivit Mme de Sampierre dont l’accent devenait timide et singulièrement ému, c’était à Carlsbad. Vous vous souvenez, chérie, nous avions fait connaissance tout de suite, et moi, du moins, je vous avais aimée à première vue, comme les amoureux des romans. Ce jour-là, je vous rencontrai toute seule dans le parc ; votre physionomie me parut changée, votre voix aussi, — votre voix surtout. Je parlais, et vous savez bien de quoi je parle toujours ; vous marchiez près de moi sans répondre. Tout à coup vous me dites : « Il n’est pas mort… »

— Moi ! s’écria Laure, qui avait les yeux baissés.

La marquise poursuivit :

— Je vous demandai : « Qui donc ? » Vous me répondîtes : « Domenico. »

Laure garda le silence.

Le nuage qui était sur son front s’assombrit.

— Jamais vous ne m’avez rien dit de cela ! murmura-t-elle.

— C’est que, répliqua la marquise, si on vous aime beaucoup, on vous craint un petit peu. Moi, d’abord, auprès de vous, je suis toujours comme si vous étiez la reine. Aborder cette question-là, c’était toucher à votre secret. Je n’ai pas osé, voilà tout.

La baronne de Vaudré releva les yeux et dit :