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comte Pernola. Ils marchaient lentement, le nez dans leurs manteaux. La nuit était tout à fait tombée.

— Le bonheur de ma cousine Domenica, disait le comte, doit susciter bien des jalousies. Toutes les femmes voudraient être à sa place. Ce n’est qu’une lettre anonyme.

— Vous avez beaucoup de bonté, Battista, répliqua le marquis. Je crois, en effet, que la position de Mme  la marquise excite quelque envie, et il y a de quoi ; je suis calme, très-calme ; je vais juger par mes yeux.

— Je parie, s’écria Pernola en s’arrêtant brusquement, que ma noble cousine est en ce moment à la maison, souriant au sommeil de son cher enfant !

— Il se peut, Battista. Je l’espère. Entrons et nous verrons.

Les sons de l’orgue, passant à travers les hautes fenêtres, arrivaient jusque sur la place. Les deux cousins franchirent le seuil et aussitôt que Pernola eut offert l’eau bénite, M.  de Sampierre se prosterna sur les dalles avec une majestueuse humilité.

Il admettait la grandeur de Dieu comme étant supérieure même à la sienne propre, mais il pensait que le ciel devait lui tenir compte de cette concession, et sa prière sous-entendait invariablement cette pensée :


« Seigneur, quittez, s’il vous plaît, vos autres occupations pour m’écouter, car je suis M.  le marquis de Sampierre. Vous ne pouvez me faire ni plus riche, ni plus noble, ni plus savant, ni plus grand, ni plus beau ; mais