Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 1.pdf/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces derniers mots, dans leur concision, contenaient un traité complet du baccarat qui sembla réjouir la châtelaine.

— Que cherchiez-vous ? demanda-t-elle.

Mylord répondit poliment :

— Des capitaux et de l’expérience. J’ai étudié la théorie sous le docteur Jos. Sharp, de Londres, et je commence mon tour d’Europe, comme cela se doit, pour me faire à la pratique.

— C’est un médecin, ce docteur Jos. Sharp ?

— Non madame, c’est un voleur.

— Et on apprend dans sa classe ?…

— Tout ce qui peut servir à un libre-preneur, madame, depuis l’adresse des mains jusqu’à la jurisprudence et la philosophie.

En parlant ainsi, Mylord avait cet air décent, discret, modeste et même un peu puritain de J.-J. Rousseau à sa première entrevue avec sa bienfaitrice.

— C’est merveilleux, dit Mme Marion. Et d’une franchise ! Quel pays que l’Angleterre ! Dites-moi, est-ce aussi le docteur qui vous a renseigné l’art de jeter vos petits secrets à la tête du premier venu ?

— Madame, répliqua Mylord doucement, vous n’êtes pas la première venue. Si vous étiez la première venue, vous nous auriez fait arrêter, au lieu de nous inviter à souper avec vous. Au cas où il vous plairait d’être des nôtres, comme je l’espère, il y a deux places à prendre : le no 1 et le no 5. Vous pouvez choisir.

La châtelaine eut un joli rire argentin sous son masque, et répondit :