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Ces vingt années ne comptaient pour rien. Pernola était toujours jeune, il gardait le duvet du ténor, la souplesse du chat favori, le charme sui generis du joli Italien. Son sourire blanc qui nous ravissait sous Louis-Philippe avait duré autant que l’empire, sans se fatiguer ni s’user : le même sourire ; il était là à poste fixe, comme si on l’eût taillé dans le marbre.

— Entrez-vous au salon, chère cousine ? demanda-t-il, ou regagnez-vous votre appartement ? Je dois vous dire que cette bonne Savta est aux cent coups. Elle pense que des malfaiteurs vous auront enlevée pendant qu’elle s’était assoupie « une toute petite minute » en prenant le frais sur un banc.

Savta, l’ancienne lieutenante de Phatmi, avait monté en grade depuis le temps. Elle était, à l’hôtel de Sampierre, quelque chose d’intermédiaire entre la camériste de confiance et la dame de compagnie.

— Allons d’abord rassurer Savta, répondit Charlotte. Y a-t-il beaucoup de monde au salon ?

— Il y a cette charmante baronne de Vaudré ; Mme  la marquise ne saurait plus se passer d’elle. Serait-il indiscret de vous demander, ma chère cousine, si Mme  de Vaudré vous inspire une sympathie très-marquée ?

— Petite-maman Domenica l’aime, cela me fait l’aimer, répliqua Mlle  d’Aleix d’un ton de parfaite indifférence.

— Juste comme moi ! s’écria l’Italien. Mais, Dieu me pardonne, voilà des flambeaux qui courent ! Savta est capable d’avoir mis la maison sur pied !