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Puis d’une voix brisée :

— Qu’elle prenne garde ! ce fut une idée inspirée par Satan ! Les signes peuvent tromper. Ah ! les coupables ont été cruellement punis !

Elle courba la tête. Ses lèvres continuaient à s’agiter comme si elle eut prononcé au dedans d’elle-même des paroles qu’on n’entendait plus. Charlotte d’Aleix la regardait avidement, mais sur ce visage où les yeux avaient perdu leur langage, rien ne parlait.

— Vous savez des choses que vous ne voulez pas me dire ! reprit Charlotte. La richesse peut recouvrir et cacher bien des souffrances… Connaissiez-vous aussi M.  le marquis de Sampierre, autrefois ?

L’aveugle ne répondit pas.

— Et le comte Giambattista Pernola ? poursuivit Charlotte, le connaissez-vous ?

— Qu’importe ? fit l’aveugle. Je ne peux rien, puisque je ne vois rien.

— Vous avez votre fils… voulut dire Mlle d’Aleix.

L’aveugle, à ce dernier mot, se redressa comme si un ressort eut développé tout à coup sa grande taille. Ses sourcils s’étaient froncés violemment.

— Qui a dit cela ! s’écria-t-elle en proie à une colère soudaine : Un fils ! Qui a dit que j’avais un fils ! Je n’ai pas de fils ! Je jure que je n’ai pas de fils !

— Je parlais du mari de votre fille, répliqua Charlotte doucement. Je ne sais pas si Eliane a changé, mais avant mon départ, elle m’aimait bien…

— Charlotte, dit une douce voix dans la chambre