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séant, et lui dit en prenant congé, car sa tâche était accomplie :

— Ami, vous êtes chrétien et vous priez Dieu chaque jour de vous pardonner vos offenses comme vous pardonnez à ceux qui vous ont offensé. En mourant, votre fils aîné Constantin a laissé une pauvre orpheline : c’est le sang des empereurs.

— C’est le fruit du péché, rectifia le vieillard inflexible.

— Cette jeune Laura-Maria est, dit-on, bien belle et dans une position indigne de vous.

Le bonhomme répondit, avec colère, cette fois :

— Que m’importe cela ? Je viens de marier la fille légitime de mon second fils à l’homme le plus riche qui soit en Europe !

Il y eut une nuance de pitié dans le soupir du prélat qui se retira sans rien ajouter.

À onze heures, l’autre prélat, Mgr l’évêque de Sinope (in partibus infidelium) monta à l’autel catholique pour consacrer de nouveau l’union des jeunes époux.

Quand la seconde messe fut finie, le bonhomme Michel dit aux mariés :

— Dans le monde entier, il n’y a personne de si riche que vous. Michela reste pauvre parce qu’elle m’a désobéi. Au cas où quelqu’un viendrait vous implorer, disant : « Je suis le bâtard ou la bâtarde de Paléologue », fermez l’oreille et la main. C’est péché de soutenir le péché. Adieu. Voyagez pendant un mois. Quand vous reviendrez, je vous aurai fait de la place ici-bas.

Ayant ainsi parlé, il se retourna vers sa ruelle.