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Ce coin était un monde. Il avait son aristocratie, ses bourgeois et son peuple. Depuis que les maçons obstruaient l’entrée, vers la rue de Babylone, le trou Donon, regrettant une prospérité passée qui jamais n’avait existé, pleurait son âge d’or absolument fantastique et disait : « Les affaires ne vont plus ! »

La grande rue, bordée dans tout son parcours par la haute muraille du parc de Sampierre, n’avait d’habitations que d’un côté et n’était pas gaie. Il y avait « la grande maison » pour l’aristocratie, les simples maisons pour les bourgeois et les bouges pour le petit peuple.

La grande maison avait deux étages et deux fenêtres de façade, les maisons étaient des masures bâties avec des tessons de bouteilles, des pavés, des boîtes à sardines, des fonds de chapeaux, des bouchons, des os, de la poussière, du crachat et de la paille : quant aux bouges, rien ne peut dire ce qu’ils étaient. Dans l’un d’eux, qui portait une enseigne de cabaret, on jouait la poule.

Il y avait en tout quinze à vingt feux, y compris la grande maison, habitée par le père Preux, dit le Poussah, homme de deux cent cinquante livres, au bas mot, prêteur à la semaine et sur gages, courtier à la Bourse, négociant en chiffons, et principal locataire de la cité. Car le trou Donon était une cité.

Le « principal, » comme l’appelaient généralement ceux qui reculaient devant la trop grande familiarité du mot Poussah, perdait le souffle au bout de quatre pas. Il allait néanmoins tous les jours à la Bourse dans