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LES BELLES-DE-NUIT.

dait les pousser tout doucement, peut-être n’en eussent-ils point conçu une horreur très-profonde.

Ils étaient parfaitement disposés ce soir-là. Le nabab pouvait suivre de loin les progrès de leur gaieté toujours croissante. Il voyait leurs joues s’animer, leurs yeux briller, et leurs regards, excellent augure ! se tourner parfois, avec une impatience non équivoque, vers la porte qui conduisait, au second salon.

Les têtes s’exaltaient, cependant ; le dessert, symétriquement aligné, avait subi l’attaque générale et couvrait la table de ses plats en désordre. Trente conversations se croisaient, vives et décousues. C’était l’heure. Le nabab fit un signe. Dans la galerie, l’orchestre frappa un accord long et retentissant. Il se fit un bruit de pas légers et un essaim de femmes se précipita dans la salle, le verre à la main.

Elles étaient masquées, mais de ce masque court et sans barbe qui ne cache ni le rouge éclat des lèvres, ni la fraîcheur jeune et veloutée des joues.

Il y eut à ce coup de théâtre un cri d’enthousiasme parmi les convives. Le baron Bibander seul fut un peu contrarié parce que cette galante surprise le saisissait au dépourvu, et qu’il n’avait pas le temps de consulter son miroir