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LES BELLES-DE-NUIT.

Ève, sans se douter que le goût de la pomme fatale ne lui était déjà plus absolument inconnu… Un verre de quelque chose, s’il vous plaît !… Et l’aîné, partant pour la Syrie, toujours avec des larmes dans les yeux !… Vivent les larmes !… À votre santé… milord. Oh ! oh !… Qu’y avait-il donc dans ce vin ?… Vous devinez ce que contenait la lettre, j’en suis sûr. Madame Montaigu disait dans un style à fendre l’âme :

« Pourquoi m’as-tu menée sur la coudrette ?… Pourquoi m’as-tu abandonnée ?… Pourquoi ton frère m’a-t-il épousée ?… Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?…

« Et je souffre !… et je suis bien malheureuse !… Et des larmes encore !… des fleuves entiers de larmes !… »

La ligne bleuâtre qui était sous les yeux de Montalt semblait se creuser et prendre une teinte plus foncée. Par intervalles, un mouvement convulsif agitait sa lèvre. Mais son beau front restait calme, et il souriait toujours.

Il n’avait rien à cacher, sans doute, sinon son dégoût pour la barbare gaieté de ce bourreau, qui raillait impitoyablement ses victimes. Et pourtant, derrière cet obstiné sourire, ce n’étaient pas seulement la fatigue et la répugnance que l’on voyait percer. Il y avait plus. On aurait