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LES BELLES-DE-NUIT.

gisait un vieillard pâle comme la mort ; une misère navrante, affreuse, auprès de laquelle le dénûment de la petite chambre des deux sœurs était presque de l’opulence.

D’un côté du grenier, sur un soliveau vermoulu, un homme à la figure hâve, creuse et comme stupéfiée, s’asseyait auprès d’une bouteille qui semblait vide. Il portait un habit en lambeaux ; sa barbe et ses cheveux gris se mêlaient. Il appuyait ses deux coudes sur ses genoux maigres, et sa tête était entre ses mains. À l’autre bout de la misérable chambre, une femme s’asseyait sur le sol même ; ses cheveux noirs dénoués entouraient un visage qui avait la blancheur et l’immobilité du marbre. Elle regardait devant elle d’un œil fixe et sans pensée. On voyait sur ses traits réguliers une douleur si poignante que le cœur en restait navré.

Le vieillard, couché sur le matelas, était le père Géraud, ancien aubergiste du Mouton couronné ; la femme accroupie à terre était madame Marthe ; l’homme à la barbe grise, assis sur le soliveau, se nommait René, vicomte de Penhoël.

Le temps avait fait de la cloison une véritable claire-voie ; elle n’empêchait pas plus d’entendre que de voir. Chaque jour, Diane et Cyprienne venaient là au moins une fois.