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CHAPITRE XVII.

Nous l’avons vu autrefois, au milieu de son bonheur tranquille, tourmenté par de vagues soupçons. Dès ce temps-là, il y avait comme un fantôme entre lui et Blanche. Il adorait son enfant, mais derrière cet amour on devinait de sombres inquiétudes.

Et pourtant, à cette époque, le maître de Penhoël respectait sa femme à l’égal d’une sainte.

On ne peut pas dire, du reste, que sa jalousie fût absolument sans motifs. Le lecteur a pu deviner, d’après la lettre qui a passé sous ses yeux dans le chapitre précédent, une partie de l’histoire intime de la famille de Penhoël. Les circonstances qui accompagnèrent le mariage de Marthe avec René étaient elles-mêmes de nature à laisser toujours un doute au fond du cœur de ce dernier.

Alors que les fils du commandant de Penhoël étaient enfants tous les deux, les rôles qu’ils devaient jouer plus tard se dessinaient déjà. Louis était le plus fort et le plus intelligent ; à cause de cela, il se dévouait toujours et restait victime de sa supériorité. On l’aimait mieux, on l’estimait davantage ; mais sa générosité renvoyait à René la plus grande part des cadeaux et des caresses.

René profitait et abusait de cette position. Son caractère était ainsi fait. Entre les deux frères, il y avait eu pendant vingt ans échange d’amitié