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LES BELLES-DE-NUIT.

qua Cyprienne, quand nous avions froid et faim dans notre chambre !… Tu me disais : « Demain nous ne souffrirons plus… » Oh ! Diane !… Diane !… dans notre Bretagne, les plus pauvres gens trouvent place au foyer de la ferme… Et quand ils disent : « J’ai faim, » on leur donne un morceau de pain noir… Du bon pain noir ! ajouta-t-elle avec ce ton de sensualité avide que prend le gourmand pour parler du mets préféré. Si nous avions seulement un morceau de bon pain noir !…

L’eau vint à la bouche de Diane.

— Oh ! oui…, dit-elle, nous n’en voulions pas autrefois… Mais à présent !

Elle s’arrêta et mit à terre sa harpe dont le poids l’accablait.

— Reposons-nous un peu…, reprit-elle ; je suis bien lasse !

Cyprienne et elle s’assirent, côte à côte, sur le parapet du quai Voltaire.

— Si Roger savait cela !… dit Cyprienne ; il est riche maintenant… Étienne aussi… Mais peut-être qu’ils nous ont oubliées…

— Oh ! non !… s’écria Diane ; Étienne est un noble cœur !…

— Nous sommes si malheureuses !… Quand je les vois passer dans leur voiture brillante… toujours gais, toujours rieurs… je me demande