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CHAPITRE PREMIER.

ministrer sans partage les vingt mille livres de rente, Blaise était tout repentir.

Robert, cependant, ne songeait même pas à lui faire un reproche. Le triomphe les avait désunis ; la défaite commune les rapprochait. Ils avaient encore besoin l’un de l’autre et ne demandaient pas mieux qu’à se liguer plus étroitement, pour recommencer la lutte sur de nouveaux frais.

Robert, d’ailleurs, avait trop de choses en tête pour trouver le temps d’entamer une vaine querelle. C’était, nous l’avons dit, une nature admirablement organisée pour les difficultés de la lutte, mais qui s’amollissait dans la fortune et perdait une bonne part de son audace, à mesure que le bien conquis amenait avec soi les chances de perte.

Il fallait à l’Américain, pour exécuter ses escamotages hardis, des poches vides et des mains libres.

En ce moment, loin de courber la tête sous le coup qui le frappait, il se redressa plus vaillant que jamais. Les dix mille francs qu’on lui avait jetés comme un os à ronger n’étaient qu’une première mise de fonds pour recommencer la partie. Il se retrouvait lui-même ; les idées abondaient dans son cerveau, et ce n’était pas sans joie qu’il songeait à cette grande mêlée pa-