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CHAPITRE III.

dites-moi, est-ce l’instant de se lier bras et jambes ?

— C’est le moment de prendre un drapeau, interrompit Étienne vivement ; quelque chose qui vous guide dans la bonne chance et qui vous soutienne dans la mauvaise… Nous ne sommes pas des philosophes, nous, milord !… Nous sommes cousus de préjugés, vous savez bien !… Faire fortune ne serait pas un but pour nous, si nous n’avions pas à partager avec quelqu’un de cher le bonheur conquis par nos efforts…

Roger serra la main d’Étienne comme pour dire : « Il a parlé pour nous deux. »

— C’est bien là le diable !… soupira Montalt ; ce sont toujours les cœurs généreux qui tombent dans ce travers !… Ah ! si j’avais à convertir certains jeunes messieurs sachant compter et ne sachant que compter, ma besogne serait bientôt faite… Mais, répondez, avez-vous confiance en moi ?

— Certainement.

— Eh bien ! je vous affirme du fond de ma conscience que l’amour, comme vous l’entendez, est un obstacle qui arrête tout élan, un fardeau qui accable toute vigueur, un poison qui énerve et qui tue…

— Mais je sens le contraire en moi !… s’écria Étienne qui mit la main sur son cœur ; l’amour,