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CHAPITRE III.

— Non pas !… J’ai besoin de tout mon courage pour achever ces côtelettes… Verse-moi plutôt un verre de vin… Mon pauvre Étienne, ma gaieté te blesse peut-être, mais je suis si content de t’avoir retrouvé !… Le commencement de mon tour de France a été rude, vois-tu !… De Redon à Rennes, je suis allé tantôt à cheval, tantôt à pied, tantôt en charrette… À Rennes, je pensais bien te rattraper ; mais la diligence était partie depuis deux heures… J’ai pris la petite voiture de Vitré… une boîte antique, spécialement destinée à transporter les solennels bourgeois de ladite ville et leur famille. À Vitré, même histoire, tu venais de partir !… J’avais encore deux écus de six livres… j’ai pris un cheval vitriais qui portait la tête basse entre ses jambes poilues, et dont la queue rouge eût fait honte à la chevelure d’Absalon… Pauvre bête ! j’ai violemment dérangé ses habitudes en la faisant galoper six heures durant… À quatre lieues de Laval, elle est tombée devant un bouchon où je l’ai laissée à la grâce de la cabaretière… Quatre lieues, cela se fait à pied quand on sent un ami au bout du voyage… Je suis arrivé, je t’ai embrassé, j’ai soupé… À ton tour de me conter tes aventures !

L’histoire d’Étienne ne fut pas longue apparemment, car une demi-heure après, nos deux