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LES BELLES-DE-NUIT.

sur qui comptait sa vieillesse. René, vous plaiderez ma cause. Vous lui direz que jamais mon amour et mon respect ne furent plus profonds ; vous lui direz tout ce que votre cœur vous dictera, mon frère, car mon secret est pour vous, pour vous seul…

« Et notre mère ! Oh ! je n’ai plus de courage en songeant à ce que j’ai perdu…

« Parfois, ma pensée franchit la grande mer, si longue à traverser ; je reviens à Penhoël ; je vous revois tous : les cheveux blancs de mon père, ma mère accourant à ma voix, et vous qui sautez de joie, René ; et Marthe, dont les grands yeux bleus hésitent entre les pleurs et le sourire… »

Deux larmes coulaient sur les joues de Madame.

La respiration du maître de Penhoël était pénible. On n’eût point su dire si c’était toujours la colère ou bien une émotion nouvelle qui pesait ainsi sur sa poitrine.

« Le bonheur !… le bonheur ! reprit-il, en poursuivant sa lecture ; hélas ! quand je m’éveille après ce doux songe et que je me retrouve seul et maudit !…

« Je n’ai pas vingt-deux ans ! Ma vie sera bien longue encore peut-être. Que ferai-je en