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LES BELLES-DE-NUIT.

Montalt se redressa avec lenteur et le regarda fixement.

Le jeune peintre tressaillit sous ce regard froid et lourd.

— À votre place, M. Étienne, répliqua Montalt d’un ton de sécheresse, je n’aurais pas laissé la pauvre enfant languir comme cela pendant deux longues années.

Étienne, qui s’était rapproché involontairement durant son récit, s’éloigna jusqu’à l’autre angle du coupé.

Montalt avait retrouvé son sarcastique sourire.

— Chacun a sa manière de voir…, reprit-il ; vous me demandez mon sentiment, je vous le dis… Si cette déité bretonne est aussi charmante que vous le prétendez, ma foi ! mieux eût valu en profiter que de la laisser en proie à quelque hobereau mal peigné du voisinage.

— Mais,… dit Étienne, j’étais pauvre… je ne pouvais pas être son mari.

— J’entends bien… moi, j’aurais été son amant.

Le jeune peintre devint pâle. S’il eût obéi au fougueux mouvement de colère qui s’empara de lui, cet entretien, commencé d’une façon si amicale, aurait fini par une bataille. Mais il se retint et se contenta de lancer au nabab un regard de sanglant reproche.