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Elle souleva l’Ange entre ses bras et l’étendit, toujours endormie, sur le lit.

Puis elle se laissa choir dans un fauteuil et couvrit son visage de ses deux mains.

— Elle demeura longtemps ainsi. Ses yeux étaient secs et brûlants, des sanglots déchiraient sa poitrine.

— Mon Dieu !… mon Dieu !… prononça-t-elle enfin d’une voix étouffée ; il y a bien longtemps que je souffre !… Vous m’avez pris mon bonheur dès le jour de ma jeunesse, et je n’ai point murmuré !… J’ai vu votre main s’appesantir sur la maison de Penhoël ; j’ai vu l’étrangère s’asseoir à ma place ; j’ai senti la mortelle menace suspendue au-dessus de ma tête, et je n’ai point murmuré encore !… Mais ma fille, mon Dieu ! ma fille !…

Ses larmes jaillirent au travers de ses doigts…

— Ma fille, répéta-t-elle avec égarement ; contre ce dernier coup je suis trop faible !… Ayez pitié de moi, mon Dieu, car je suis une pauvre abandonnée… Pas une voix amie pour me consoler !… pas une main pour me défendre !…

Il lui sembla, en ce moment, qu’un double soupir répondait à sa plainte. Elle ouvrit les yeux.

Cyprienne et Diane, à genoux à ses côtés, couvraient ses deux mains de baisers.