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— Il paraît que l’oncle est décidément trop grand seigneur pour faire la partie de pauvres gens comme nous ! prononça-t-il avec amertume.

La raillerie était d’autant plus rude que le pauvre vieillard, cadet de famille sans héritage et sans patrimoine, vivait à peu près à la charge de son neveu.

Il tressaillit et leva vers ce dernier un regard tout plein de tristesse, où se peignait la douce patience de son âme.

— Je vous prie de m’excuser, Penhoël, dit-il.

René haussa les épaules. Il eût voulu quelqu’un pour lui tenir tête.

— Vous avez donc des pensées bien intéressantes ? reprit-il sans rien perdre de sa mauvaise humeur.

L’oncle Jean ne répondit point et sa paupière se baissa.

— Nous ferez-vous la grâce de nous dire, poursuivit René de Penhoël, quel est le sujet de vos attachantes méditations ?

L’oncle releva les yeux avec lenteur. Sa paupière était humide.

— C’est que je me souviens, moi !… dit-il d’une voix basse et presque solennelle.

— Et de quoi vous souvenez-vous ?

L’oncle Jean croisa ses bras sur sa poitrine.