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rents, chacun se demandait à qui profiteraient, un jour venant, ses honnêtes et rondes épargnes.

On était au milieu de l’automne, et ce n’était ni jour de foire ni veille de dimanche. Le Mouton couronné chômait ou à peu de chose près. La cendre était froide dans les fourneaux de la cuisine ; les crocs de fer des landiers ne soutenaient point de broches, et nulle marmite ne pendait à la grande crémaillère.

Maître Géraud pouvait fumer sa pipe à l’aise sur le parapet du port. Il n’y avait dans toute son auberge qu’une seule chambre occupée ; encore était-ce par des hôtes de hasard à qui le père Géraud, courtois envers tout le monde, mais sachant graduer ses politesses, ne devait point la respectueuse visite à laquelle s’attendaient ses vieux et fidèles habitués.

Ils étaient arrivés on ne savait trop d’où : deux hommes et une jeune dame. Leurs vêtements et leur apparence de lassitude semblaient annoncer une longue course à pied ; mais le maître du Mouton couronné n’avait point de défiance, et les avait crus sur parole lorsqu’ils lui avaient dit descendre de la voiture de Rennes.

Naturellement, leur bagage était resté au bureau.

La jeune dame avait une mise plus que mo-