Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Était-ce une folie ? Et Dieu châtiait-il ainsi cette fière nature qui semblait s’anéantir dans l’inertie, après avoir sans doute usé toutes les délices, épuisé toutes les ivresses ?…

La brume tombait. Les gens d’Ouessant n’avaient pu voir la métamorphose qui changeait le brillant steamer en une pauvre barque à voiles. L’Érèbe louvoyait avec lenteur parmi les écueils et les courants qui sont à l’ouest de Molène. Il gouvernait de son mieux vers la rade de Brest.

Le soleil s’était couché au loin dans la haute mer.

La nuit venait. Il n’y avait point de lune au ciel resplendissant d’étoiles.

Montalt, perdu dans un demi-sommeil, voyait glisser autour de lui les matelots comme autant d’ombres silencieuses.

Tout à coup il lui sembla qu’une de ces ombres se dressait au-dessus des autres, à tribord, pour disparaître bientôt dans la nuit.

La mer rendit un bruit sourd.

En même temps un cri s’éleva :

— Un homme à la mer !

D’autres disaient :

— Le Breton !… c’est le Breton !…

Montalt était sur ses pieds. C’eût été merveille pour ceux qui l’avaient vu naguère an-