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viteurs excitaient constamment l’attention curieuse de l’équipage, mais on ne jetait vers eux que des regards timides.

Le capitaine, gros Anglais à la figure honnête et froide, se promenait à pas comptés le long du plat-bord. De l’autre côté du navire, un jeune marin s’asseyait, les bras croisés, sur les bastingages. Il avait la tête penchée contre sa poitrine, et sa figure disparaissait presque tout entière sous ses grands cheveux épars. Malgré ce voile, on sentait en quelque sorte sur ses traits pâles une douleur morne. Il y avait du désespoir dans cette pose insouciante et affaissée qui le penchait en équilibre au-dessus de l’abîme.

S’il y avait un péril, le jeune matelot ne s’en inquiétait guère. Parfois même, il s’inclinait davantage en dehors de la balustrade, et ses yeux, où brillait alors un feu subit, semblaient regarder avec envie l’eau transparente…

On ne faisait nulle attention à lui. Tous les regards étaient pour le nabab. Pour ne point troubler son repos, les ordres se donnaient presque à voix basse ; on menait la manœuvre sans bruit, et le navire creusait silencieusement son sillage.

Si quelque barque de pêcheur venait à couper la ligne blanche qu’il semait loin derrière lui, l’équipage breton, enveloppé soudain dans un