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Il suivait une ligne presque parallèle au rivage, et sa marche sinueuse évitait les rochers sous-marins, comme si l’être qui tenait le gouvernail avait eu le don de voir clair au fond de l’eau.

De près, le mystérieux bâtiment présentait un aspect pour le moins aussi étrange que de loin ; et si les gens de la côte avaient pu jeter un coup d’œil sur le pont, ils n’auraient point changé d’idée touchant la nature diabolique du navire.

C’était une embarcation assez grande, longue, effilée, noire. Le pont était propre et luisant comme le parquet d’un salon fashionable.

À l’avant et au pied du grand mât, dont la taille était tout à fait en désaccord avec les proportions du navire, quelques matelots travaillaient, et nul franc marin n’aurait su donner un nom à leur besogne. À l’arrière, outre le timonier, on ne voyait qu’un groupe composé de trois hommes d’un aspect véritablement extraordinaire.

Ils étaient abrités contre les rayons du soleil couchant par une manière de tente dont chaque pan était formé par un grand châle de cachemire aux douces et chatoyantes couleurs.

L’un des trois hommes était couché sur une pile de coussins, et tenait entre ses lèvres le bout d’ambre d’une longue pipe indienne.