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Ses mâts faibles et nus avaient toutes leurs voiles carguées ; ils ne présentaient pas un seul pouce de toile au vent.

Et pourtant il courait, il courait ! Son flanc semblait vomir une longue traînée d’écume, et les rayons du soleil ne pouvaient point percer ce noir panache de fumée qui se déroulait au loin derrière lui.

Qu’était-ce ? On se signait avec terreur sur les falaises et le long des rivages de l’île. On interrogeait les vieillards, qui ne savaient point répondre. Et comme l’idée des choses de l’autre monde vient tout de suite aux esprits bretons, on se disait bien bas que ce navire inconnu, poussé par une force mystérieuse, était le fameux vaisseau fantôme, dont les matelots parlent tant aux veillées et que personne n’a vu jamais.

Le vaisseau qui n’a ni gouvernail ni voiles, et qui, remorqué par la main de Satan, va plus vite que le vent des tempêtes…

C’était sans nul doute le présage d’un grand malheur. Celles dont les frères ou les fils étaient sur l’Océan, à la grâce de Dieu, s’agenouillaient et priaient…

Le navire cependant glissait sur la mer étincelante, et semblait se jouer des mille écueils parsemés le long de sa route.