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— Penhoël, reprit ce dernier d’une voix adoucie, vous pouvez me tuer… vous savez bien que je ne me défendrai pas contre vous… mais je ne laisserai pas le fils de votre père aller à son malheur !… N’y a-t-il donc pas assez de menaces dans l’air autour de vous, notre monsieur ? De vos fenêtres, là-haut, ne pouvez-vous pas voir le château de votre nom habité par un ennemi mortel ? Vous êtes jeune, voilà vos doigts forts qui s’enfoncent dans les chairs d’un pauvre vieillard !… Brisez ce bras qui vous a servi soixante ans, Penhoël, vous n’empêcherez pas Benoît Haligan de parler !

— Mais, misérable !… s’écria René, tu n’as donc pas d’entrailles ?…

— Votre fille était toute pâle ce matin, Penhoël !… voilà bien longtemps que je l’ai dit pour la première fois… Avant de mourir, vous les verrez toutes trois glisser, la nuit, sous les saules… trois pauvres petites saintes, notre monsieur !… Blanche, Cyprienne et Diane !… Oh ! ça fera trois belles-de-nuit de plus au bord de l’eau…

— Tu ne veux pas me donner la clef ?… cria René menaçant.

— Et qui sait, reprit le passeur avec sa tristesse calme, qui sait si ce n’est pas leur mort qui vient là-bas du côté de la ville ?… Écoutez-moi, Penhoël, ajouta-t-il d’un ton sentencieux et plein