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Sein de vierge, front gracieux
Et blonds cheveux…
Cette brise, c’est ton haleine,
Pauvre âme en peine,
Et l’eau qui perle sur tes fleurs,
Ce sont tes pleurs…

[1]

Les notes de la ritournelle vibrèrent, puis moururent. Le silence se fit.

Blanche entr’ouvrait maintenant sa jolie bouche. Le chant avait bercé sa fatigue ; elle dormait. Madame baissait les yeux comme si ce

  1. Les bonnes gens de la campagne morbihanaise confondent, sous le nom de belles-de-nuit, les fleurs que nous appelons ainsi, les étoiles, et les jeunes filles mortes avant le mariage. Cette romance, œuvre de quelque troubadour indigène, n’est qu’une imitation insuffisante du chant original en langue bretonne. Nous citons tout au long la traduction littérale de ce chant, d’autant plus volontiers qu’elle ne se trouve point dans l’admirable recueil des poésies bretonnes, publié par M. Théodore de la Villemarqué.

    LES BELLES-DE-NUIT.


    « Petite fille, petite étoile, petite fleur !
    « La belle-de-nuit est la fleur aimée de la Vierge Marie.
    « La petite fleur plus rose que la rose, plus blanche que le lis, bleue comme l’azur du paradis.
    « La fleur qui se penche, au matin, semblable à la chrétienne qui prie… »




    « La belle-de-nuit est la petite étoile, pur diamant du ciel.
    « L’étoile qui donne du courage quand on chemine avant le soleil par les sentiers froids, encore pleins de fantômes… »




    « La belle-de-nuit est la jeune fille morte, la jolie et la douce ! morte d’amour…
    « La pauvre fille pâle, qui pleure le long de l’eau et que les cœurs tristes écoutent.
    « La jolie et la douce qui avait seize ans, hélas ! quand nous la couchâmes sous l’herbe…
    « Le soir elle est derrière les saules, tout habillée de blanc comme une fiancée. Ce vent qui se plaint dans les branches, c’est son haleine…
    « Cette perle que le soleil du matin fait luire sur la feuille tombée, c’est une larme de ses pauvres yeux…
    « Petite fille, petite étoile, petite fleur !… »