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René leva son verre plein et l’avala d’un trait.

Il se redressa ; une rougeur épaisse couvrit sa joue et ses yeux eurent un sourire hagard.

— Qu’avons-nous donc ? s’écria-t-il en interrogeant de l’œil tour à tour chacun de ses hôtes ; on dirait un soir d’enterrement !… Ne rit-on plus, morbleu ! au bon manoir de Penhoël ?…

— J’ai peur, murmura l’Ange qui frissonnait.

Les délicates couleurs de sa joue avaient fait place à la pâleur. Sa mère l’entourait de ses bras comme pour la protéger, et de loin Vincent la contemplait avec plus d’inquiétude encore que sa mère, et autant d’amour.

La voix du maître criait dans l’obstiné silence :

— Petites filles, prenez vos harpes et chantez-nous gaiement un air breton !… C’est pitié ! la cloche du souper n’a pas encore sonné et déjà tout le monde s’endort.

Cyprienne et Diane se levèrent obéissantes. Dans un coin du salon il y avait deux harpes à main, montées sur leur petit piédestal en bois doré.

Avec l’aide de Roger, Cyprienne et Diane les approchèrent de la cheminée.

— Que voulez-vous entendre ? demanda Diane.

— Un air à boire, répondit Penhoël. Mais vous n’en savez pas !… Chantez ce que vous voudrez.