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coulait de ses cheveux crépus, il jetait à la cohue de ses hôtes un regard triomphant et rêvait peut-être une presse pareille pour tous les jours de l’année. La vanité naissait dans son modeste et bienveillant sourire ; il se disait, cela était visible : Minou Chailhou, tiens-toi droit ! te voilà en train de devenir un homme d’importance !

Tout en coupant ses longes de génisses, il comptait les clients de sa salle, et ceux plus nombreux qui s’étaient installés au dehors. Sa maisonnette était toute entourée de chevaux attachés à des piquets. Il calculait peut-être quelles bâtisses il lui faudrait ajouter à son humble logis pour contenir tant de bêtes et tant de monde.

— Bonsoir, maître Minou, lui dit notre jeune voyageur en l’abordant, la bride de son cheval au bras. Je viens passer la nuit chez vous et je vous prie de me donner ma chambre.

— Votre chambre, l’ami ? répliqua l’aubergiste sans le regarder. Qui donc a une chambre, cette nuit, au tournebride de Pardaillan ? Attachez votre cheval à un piquet et allez chercher du foin à la grange : on paye d’avance, vous savez ? Le jeune homme lui étreignit le bras.

— Traitez-vous ainsi une ancienne pratique, mon maître dit-il d’un ton de reproche.

— Lâchez-moi, de par Dieu i s’écria Chailhou fièrement. Tout le monde essaye d’être mon ami, ce soir, et si je vous écoutais tous, je mettrais deux douzaines de hâbleurs entre les draps de mon propre lit. Je n’ai pas le temps d’écouter vos sornettes.

Le voyageur avait le poignet bon. Il serra un