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drin se mit à ramasser ses pistoles qu’il déposa dans un tiroir. L’entretien lui semblait prendre une tournure menaçante pour sa bourse.

Saint-Venant continua :

« Monsieur le baron, voici ce que j’ai fait pour vous depuis quatre jours : Mardi, j’ai reçu une lettre d’avis du clerc du tabellion qui m’annonçait la mort de vos deux cousins à l’armée de Saintonge, et la maladie de M. le comte de Pardaillan : item le dessein qu’il a de donner tout son bien à mon ami Guezevern et le message envoyé par lui au château de Vendôme pour appeler ledit Guezevern en toute hâte… »

Ici, M. de Gondrin referma son trésor, et Saint-Venant intercala dans son dire cette courte digression :

« Vous avez tort de craindre pour vos pistoles, mon maître. J’ai besoin que vous soyez en fonds aujourd’hui. »

Après quoi il poursuivit :

« Voyant cela, je me suis rendu chez M. de Vendôme qui ne voulut point d’abord m’écouter, parce qu’il se passait une chose monstrueuse en sa maison : ses deux fils, M. le duc de Mercœur et M. le duc de Beaufort avaient gagné sa colique. « Les diableries de cet homme rouge, disait le malheureux prince, poursuivront ma famille jusqu’à la douzième génération ! »

Et, de fait, si c’est un expédient de M. le cardinal, cette colique des Vendôme, je déclare le moyen doux, humain et spirituel. Il n’y a point de conspiration qui puisse résister à la colique. « Monseigneur, lui ai-je dit de but en blanc, M. le cardinal est en train de vous guérir radicalement.

« Il a dressé l’oreille, car le nom seul du cardinal lui donne la chair de poule.

« Ventre-saint-gris ! s’est-il écrié, le misérable voudrait-il me couper le cou, comme il a fait à M. de Bouteville ! »

« Il essayait de rire, mais j’ai répliqué :

« Monseigneur, il n’y a pas si loin que vous croyez, du cou d’un Montmorency à la nuque d’un prince du sang. »

« Et j’ai embrouillé quelques aunes de politique de façon à lui mettre du noir plein l’âme.

« Il m’a demandé :

— Comment sortir de là, Saint-Venant, mon ami ?

— Monseigneur, il faut combattre.

— Avec quoi combattre ?

— Avec le propre nerf de la guerre. Vous avez un intendant honnête homme.

— Ah ! je crois bien !

— Cet intendant honnête homme a dû vous constituer une épargne ?

— Je ne sais pas, Saint-Venant, mon ami.

— Moi, j’en suis sûr. Faites-lui écrire une belle lettre par dom Loysset, votre chapelain, et ajoutez-y un mot ou deux de votre propre griffe. Vous