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— La colique, répliqua Mathieu BarnaM avec volubilité, la teigne, le haut-mal, la fièvre maligne, le tétanos, la goutte, la mélancolie, la pituite, la migraine, l’incontinence des sens, la stérilité de la femelle, l’impuissance du mâle, la gourme des enfants, la rage des dents, l’alopécie précoce, le strabisme, le bégayement, la paralysie, l’apoplexie, l’hypocondrie, l’hystérie… »

Il s’arrêta pour prendre haleine. Maître Pol dit de bonne foi :

« Je ne m’étonne pas si cela coûte si cher !

— Et généralement, acheva Mathieu Barnabi, toutes les incommodités quelconques attachées à la condition de notre misérable nature humaine.

Amen ! fit à son tour le page. Mais alors pourquoi vendez-vous d’autres remèdes ?

— Parce que les mortels ne sont pas égaux, répéta le drogueur. On ne peut donner à tout le monde le médicament des rois. Souvenez-vous de ceci, mon fils : quand vous serez riche, vous me devrez vingt doubles pistoles. Emportez ce flacon, il est à vous. Voici comme il faut doser : deux gouttes pour un enfant, quatre gouttes pour une femme, huit gouttes pour un homme fort, seize pour un cheval. S’il s’agit de M. de Vendôme, vous pouvez mettre vingt-quatre gouttes. »





VI

CÉSAR ET ALEXANDRE.


Ce matin-là, M. de Vendôme s’était éveillé de pitoyable humeur. N’ayant pas trouvé son page au chevet de son lit, il jura tout d’abord comme un païen et appela sa maison entière pour avoir ses chausses, ses pantoufles, sa robe, son vin bouilli et le reste.

On lui donna bien ce qu’il voulut, mais personne ne sut lui dire où était ce mécréant de Guezevern, ce fainéant, ce maraud, ce sauvage, ce Bas-Breton, comme disait M. le duc avec un dédain suprême, quand il avait épuisé son chapelet d’injures.

Plus de vingt fois, avant son déjeuner, M. le duc demanda ce maladroit, cet ivrogne, ce butor de Guezevern ; il n’était bon à rien, assurément, qu’à brelan-