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« Ma belle Éliane, je vous attends, venez ! »

Elle se retourna, radieuse de grâce et de jeunesse, et la tête défaillante de Saint-Venant retomba sur l’oreiller.

« Éteignez la lampe, balbutia-t-il encore. »

Elle obéit sans hésiter, mais, avant d’obéir, elle avait remarqué d’un coup d’œil rapide la place où le faux Guezevern avait déposé son épée.

La lampe éteinte laissa voir deux traînées de pâle clarté que la lune épandait par les croisées.

Éliane vint vers le lit. Renaud de Saint-Venant l’attendait les bras ouverts. Éliane parut entre les rideaux. Quelque chose brillait dans sa main aux lueurs de la lune.

« Où es-tu, mon mari ? demanda-t-elle.

— Ici, répondit Renaud. Que tu es belle, ce soir, et comme je t’aime ! »

Ce dernier mot s’étouffa sous un cri. Renaud se rejeta violemment en arrière parce que la pointe froide de l’épée avait piqué sa gorge.

« Misérable traître, prononça Éliane d’un accent net et calme. Ne fais pas un mouvement ou je te tue ! »

Renaud de Saint-Venant ne bougea pas. Ses yeux, en s’habituant à l’obscurité, commençaient à distinguer une forme frêle, mais fière, qui se dressait près du lit, l’épée à la main.





XVIII

OÙ MADAME ÉLIANE RESSUSCITE UN MORT


Ce n’était pas de ce côté que Renaud de Saint-Venant attendait le danger. Certes, la vue de Guezevern ressuscité lui aurait causé une bien autre épouvante, mais néanmoins ses rêves amoureux s’envolèrent comme si on l’eût inondé d’eau froide. Il eut peur et resta immobile, parce qu’il connaissait Éliane. Il savait que cette frêle enveloppe cachait une vaillance virile.

Il essaya de parlementer, c’est-à-dire de tromper.

« Noble dame, balbutia-t-il, ayez pitié de moi ; la folie d’amour m’a entraîné… je suis à votre merci !

— Silence ! interrompit Éliane. Où est Pol de Guezevern, mon mari ? »

Renaud hésita, puis il répondit, espérant profiter