Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.

armé pour défendre son bien. Il n’y avait plus là qu’une femme : Renaud se sentait brave comme un lion.

Il arracha la bande de parchemin collée sur l’armoire et gratta avec soin la trace des scellés. La chambre fut ensuite remise en ordre tant bien que mal, après quoi Renaud gagna l’alcôve large et profonde où maître Pol avait dormi sa dernière nuit.

Il en souleva les rideaux avec une véritable émotion.

« Morbleu ! murmura-t-il, voilà un frisson qui me fait honte. Mon digne ami ne saurait plus être qu’un revenant, à cette heure… et je n’ai pas peur des fantômes, je suppose ! »

Son ricanement rompit le silence de la chambre, et il tressaillit de la tête aux pieds.

Il lui semblait qu’une forme immobile reposait sur le lit défait.

Il s’approcha : c’était l’ancienne défroque de Guezevern : les diverses pièces du costume que Guezevern avait en quittant le château de Vendôme.

Renaud se prit à rire, cette fois franchement.

« Quand on a de la veine, dit-il en dépouillant lestement son pourpoint, les atouts ne manquent jamais. J’ai la veine et voici une pleine poignée d’atouts ! »

Il cacha son vêtement sous le lit et passa celui de maître Pol, ajoutant à part lui :

« Désormais, ma belle Éliane n’y verra que du feu !

Ce fut sa dernière parole. Il alla ouvrir la porte d’entrée pour poser la clef dans la serrure au dehors, mit la lampe allumée sur le meuble le plus éloigné de l’alcôve et passa derrière les rideaux.

L’instant après, il était étendu sur le lit, tout habillé, non point pour dormir, mais pour guetter, attentif et inquiet comme un chasseur à l’affût, l’arrivée de Mme Éliane.