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Guezevern, bien entendu, n’eut garde de répondre.

Renaud, qui n’était pas encore rassuré tout à fait, passa derrière les rideaux de l’alcôve et tâta le lit de bout en bout.

Il releva la tête alors et pensa :

« J’ai toujours bien une couple d’heures devant moi. »

La nuit était tout à fait tombée. Renaud, qui était ici chez lui et connaissait parfaitement les êtres, se dirigea vers la tablette où il savait trouver le briquet. Il alluma une lampe.

La première lueur lui montra le paquet de papiers qui restait en vue au milieu de la table. Il s’approcha et lut :

« Quiconque entrerais premier dans cette chambre, devra déposer le présent paquet entre les mains de l’écuyer Mitraille. »

« Tiens, tiens ! fit Renaud étonné. Mitraille ! Pourquoi choisir ce coquin de Mitraille ? Est-ce que mon digne ami et compère se défierait de moi, à présent ? »

Pour la première fois depuis qu’il était entré, il eut son sourire félin et ajouta :

« Mon digne ami et compère n’aime pourtant pas beaucoup écrire. Comment se fait-il qu’il ait pris la peine de noircir un si gros paquet de papiers ? Mais voyons un peu ce qui manque à l’épargne de M. de Vendôme ! Je ne suis pas curieux, mais j’ai envie de voir cela. »

Il se retourna vers l’armoire, et la bande de parchemin collée sur la serrure frappa seulement alors son regard.

Il recula d’un pas. Sa première pensée fut de rapporter cette précaution à lui-même.

« Il faudra que M. le baron de Gondrin me paye gros, dit-il entre ses dents, pour le danger que je cours dans cette maudite affaire ! Personne ne m’a vu entrer. Il serait encore temps de m’en aller et de laisser les choses marcher comme elles voudront.

Sa frayeur atteignait à un tel paroxysme qu’il fit un faux mouvement vers la porte.

Mais ses yeux tombèrent sur la lettre qu’il tenait à la main, la lettre entourée de lacs de soie.

Il la porta à ses lèvres en murmurant :

« Celle-ci m’a ensorcelé ! Il me faut ma belle Éliane ! Je la veux… je l’aurai ! »

Il y a des poltrons qui ont de l’audace.

Au lieu de gagner la porte, Renaud de Saint-Venant s’approcha de l’armoire et leva sa lampe pour déchiffrer ces mots tracés sur le scellé :

« Madame Éliane, veuve du défunt intendant Pol de Guezevern, a seule le droit de rompre ce parchemin. »

Son étonnement fut si profond, qu’il se prit à relire l’inscription, prononçant chaque mot à haute voix.