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Maître Pol entra comme un ouragan et demanda d’une voix de tempête :

« Où est M. le baron de Gondrin-Montespan ? »

M. le baron répondit en personne et avec un calme parfait :

« Me voici !

— À la bonne heure ! dit Guezevern qui alla vers une table de jeu sur laquelle il vida ses poches.

— Mort de moi ! s’écria-t-il, venez çà, monsieur le baron ! nous allons nous divertir ! Voici d’abord votre dû ! »

Et, se découvrant, il ajouta, en brandissant son feutre avec défi :

« Ensuite, voici mon enjeu : je fais mille louis du premier coup ! »

Il y eut un murmure dans la salle qui s’agita.

Le baron de Gondrin-Montespan vint s’asseoir vis-à-vis de maître Pol et répondit paisiblement :

« Je tiens. »





XV

OÙ MAÎTRE POL ÉCRIT SANS L’AIDE DE SA FEMME.


Le lendemain, vers deux heures après midi, Guezevern s’éveilla dans son lit, ou plutôt dans le lit de son excellent compère, Renaud de Saint-Venant. La belle défroque qu’il avait achetée était dans un triste état, auprès de son ancien costume. Quand il voulut remuer, ses membres endoloris le blessèrent ; quand il voulut penser, sa tête lui fit mal.

Il avait tant bu et tant réfléchi la dernière nuit !

La mémoire de ce qui s’était passé depuis la veille au soir ne lui revint pas tout de suite ; mais il éprouvait vaguement cette courbature morale que laissent les grands désastres.

Il referma les yeux pour gagner encore quelques instants d’oubli par le sommeil.