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ou dignes de pitié ; mais de tout temps les courtisans ont si cruellement calomnié les rois !

On dit… Mais M. de Luynes fut le seul qui mourut dans son lit. Le cardinal donna tous les autres au glaive, et ce pâle roi les regarda froidement égorger.

Le cardinal avait aussi ses plaisirs ; frivoles ou terribles choses. Il adorait madame la duchesse de Chevreuse en la menaçant du bourreau, comme d’autres riment un madrigal aux pieds d’une maîtresse cruelle, et persécutait les vrais poètes en faisant de mauvaises tragédies.

C’était un grand homme, un très-grand homme. Je ne crois pas qu’on puisse trouver une plus haïssable figure dans l’histoire du monde.

Cette bouche de bronze, qui ânonnait de méchants vers ; cette tonsure sanglante et galante, cette griffe de tigre qui voulait écrire comme la main de Pierre Corneille, dominent tout un siècle à d’incroyables hauteurs ; c’était un très-grand homme ; et quand nous regardons en arrière, nous ne voyons plus rien à la cour de Louis XIII, sinon la sombre physionomie de ce prêtre à la hache, abattant tout ce qui levait la tête, et déblayant la route fatale par où le passé va vers l’avenir.

La joie fuyait le roi et son ministre, deux vivantes menaces : le roi faible, le ministre fort ; tous deux lugubres.

Le ministre poussant les verrous de la Bastille sur ceux qui n’applaudissaient point Mirame, le roi caressant ses maîtresses avec une paire de pincettes !

La joie s’en allait le plus loin qu’elle pouvait, mais non point au-delà des murailles de Paris ; car ministres et rois n’y peuvent rien : il faut toujours que Paris s’amuse.

La maison de la Perchepré était un de ces temples où la joie persécutée se cachait. Il y avait à Paris bon nombre d’asiles semblables, portant généralement le nom d’étuves ou maisons de baigneurs.

Marion la Perchepré tenait, en effet, une étuve ; mais l’eau manquait dans les réservoirs, et la seule liqueur qui coulât franchement chez elle était le vin.

Les lieux de semblable espèce ont été souvent décrits mal ou bien, et nous ne perdrons point notre peine à en faire le minutieux portrait. En cherchant bien d’ailleurs, vous trouveriez encore dans Paris moderne quelque respectable logis où se pratique un commerce analogue.

La police qui cherche toujours en trouve quelquefois ou du moins s’en vante.

Ceux d’aujourd’hui sauf le costume, l’ameublement, le nom des jeux de hasard et le titre des boissons à la mode, ressemblent trait pour trait à ceux d’autrefois.

Le fond de l’aventure est éternellement la fameuse trilogie de la chanson : le jeu, le vin, les belles.

Trois jolies choses assurément et qui égayent un livre. L’intérêt du nôtre est ailleurs.