Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoi qu’il en soit, M. le baron de Rodach tint sa triple promesse.

À midi, le huit février, le groom du Madgyar Yanos, le serviteur hollandais du bon Fabricius Van-Praët, et le valet de madame de Laurens annoncèrent, à quelques minutes d’intervalle, chez leurs maîtres respectifs : « Monsieur le baron de Rodach ! »

Et M. le baron entra de fort bonne grâce sans laisser derrière lui la moindre odeur de soufre.

Tout commentaire, ici, serait puéril, toute explication impossible ; nous énonçons le fait purement et simplement.

Il est une chose pourtant que nous devons dire. Dans ces trois diverses visites, M. le baron de Rodach, qu’il fût ou non un être en dehors des conditions ordinaires de l’humanité, avait su donner à son visage trois nuances d’expression tant soit peu différentes ; on eût dit qu’il s’était composé une physionomie pour chacun de ses hôtes. À Paris, dans le salon coquet de madame de Laurens, il était grave, courtois et froid. À Amsterdam, dans la maison cossue, reluisante, savonnée du digne Hollandais, il avait pris un peu l’air épais et apathique d’un citoyen des Pays-Bas. Il ne pouvait point perdre sa beauté noble, mais il la baissait d’un cran, pour ainsi dire, il semblait employer, à l’égard de ses traits, ce procédé ingénieux dont usent certaines lorettes économes pour leur coiffure, coiffure unique, mais à plusieurs fins : chapeau splendide, où l’on voit se balancer un gracieux bouquet de plumes quand le thermomètre amoureux est aux équipages, chapeau modeste dont le panache tombe humblement dès que ces dames sont réduites au rôle d’infanterie.

Le baron, dans ce pays de pipes et de bière, sentait la drèche et le tabac.

À Londres, au contraire, auprès du belliqueux Madgyar, il vous avait une mine fanfaronne à briser les vitres rien qu’en les regardant ; mais, en même temps que sa moustache se redressait plus fière, on voyait dans son œil plus de jeunesse vive et plus de gaieté ; un physionomiste l’eût taxé pour étourdi, coureur de femmes et prompt à mettre flamberge au vent.

De ces trois qualités, la seconde se fit jour dès l’entrée du baron de Rodach dans l’antichambre du seigneur Yanos. Comme il passait le seuil, il