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La plupart du temps, il se moquait de lui-même et souriait avec dédain, en prenant la conscience de sa faiblesse ; mais l’idée revenait, tenace, et le philosophe se mettait à rêver miracles tout comme la petite fille du marchand d’habits.

C’est qu’aussi ce cavalier allemand était un personnage bien étrange ! Il s’était montré à Franz, toujours, sous des couleurs si extraordinaires et si imprévues ! Encore Franz ne savait-il pas tout sur son compte.

S’il avait pu entendre ce que l’ordre logique de ce récit va nous forcer de dire en peu de mots au lecteur, sa philosophie eût sauté pour le coup comme le bouchon d’une bouteille de champagne. Si invraisemblable que puisse paraître l’aventure, il en savait trop long pour ne pas y croire, et ce qu’il avait vu au bal Favart devait suffire grandement à lui donner la foi. D’un autre côté, pourtant, la chose était manifestement impossible, et, pour l’admettre, il fallait s’appuyer tout de suite sur un diabolique et occulte pouvoir…

Quant à la petite Gertraud, aux premiers mots de notre histoire, elle eût ouvert tout grands ses beaux yeux pleins de naïveté crédule, et n’eût point trouvé sur sa lèvre un autre nom que celui de Satan…

Voici du reste le fait dont nous parlons : Quarante-huit heures s’étaient écoulées ; on était au jeudi 8 février. M. le baron de Rodach s’était engagé solennellement à voir, ce jour là même, avant l’heure de midi, madame de Laurens à Paris, meinherr Van-Praët à Amsterdam, et le seigneur Yanos Georgyi à Londres.

Promettre c’était déjà beaucoup, mais tenir…

C’était là un tour que Fabricius Yan-Praët, lui-même, au temps où il était physicien-aéronaute, n’aurait pas osé annoncer à son public.

C’était très-fort ; cela mettait bien bas les chemins de fer, les pigeons voyageurs, les ballons à roues et même le télégraphe ; tranchons le mot : c’était absurde ou magique…

Or, de notre temps, la magie ne sait plus guère escamoter que des muscades. Elle travaille en plein vent, avec des gobelets et pour un sou ; la science, à cet égard, loin de progresser, a fait des pas en arrière, et nos sorciers modernes ne sont assurément pas de la force de ceux de Pharaon, qui changeaient les chameaux en grenouilles.