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Laure, pendant ce temps, était évanouie sur le plancher de la salle où elle s’était retirée. Elle avait tout entendu…

Au moment où le calomniateur l’accusait d’avoir été sa maîtresse, elle avait voulu s’élancer pour le confondre. — Mais il était trop tard, sa torture durait depuis trop longtemps déjà.

Les forces lui manquèrent à ce dernier coup ; elle tomba foudroyée.

Quand elle reprit ses sens, on n’entendait plus aucun bruit dans la chambre de M. de Talhoët.

Elle entr’ouvrit la porte et le vit étendu, immobile et pâle sur sa couche.

Le chirurgien était venu et l’avait rappelé à la vie.

Laure, faible encore et chancelante, traversa la chambre à pas lents et s’approcha du chevet du blessé, qui ne bougea point et garda ses yeux perdus dans le vide.

— Amaury, prononça-t-elle tout bas.

Il ne répondit point.

— Amaury ! répondit-elle en pleurant, — je vous prie… ah ! je vous en prie, parlez-moi !

Le blessé gardait un silence morne.

Mademoiselle de Carhoat se mit à genoux ; son visage était inondé de larmes.

— Un mot, un seul mot ! murmura-t-elle d’une voix mourante ; — croyez-vous ce que cet homme vous a dit ?

Talhoët tourna vers elle son regard froid et triste.

Mais il ne répondit point encore.

Mademoiselle de Carhoat se couvrit le visage de ses mains. On entendit un sanglot déchirer sa poitrine.

Puis le silence régna dans la chambre du blessé.

Au bout de quelques instants, Laure se releva et ses mains retombèrent.

Son beau visage avait une expression de calme effrayant. — Ses yeux étaient sans larmes.

— Adieu ! murmura-t-elle d’une voix sourde et si faible que Talhoët eut peine à l’entendre.

Puis elle se dirigea vers la porte et disparut.