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prit d’une voix suffoquée, la phrase interrompue par le regard de Petite.

Mais il n’avait plus ce ton tranchant et plein de solennelle pédanterie qui jamais ne l’abandonnait d’ordinaire.

— Je crois, répéta-t-il en hésitant et en raccordant sa phrase de son mieux, je crois que j’ai pu exprimer naguère mon opinion d’une façon trop absolue… Il se peut que ce voyage ne soit pas nuisible, à tout prendre… il se peut même que la santé de notre ami en éprouve de bons effets…

— Ce fut toujours mon avis, dit Saulnier.

— Tout le monde est contre moi, reprit Mira en tâchant de sourire ; je cède de bonne grâce et je donne mon adhésion de grand cœur.

Un air de contentement éclaira le visage du malade ; Sara se pencha jusque sur lui et lui effleura le front d’un baiser.

— Nous partirons dans quelques jours, dit-elle.

L’agent de change la contemplait avec ravissement.

— Sara !… Sara ! murmura-t-il ; aurez-vous donc désormais pitié de moi ?…

— Chut ! répliqua Petite en se jouant, vous verrez !…

— Vous m’avez dit si souvent que vous ne pouviez pas m’aimer !…

— On ment quelquefois… quelquefois on se trompe…

— Voulez-vous donc que j’espère ?

Sara mit dans son sourire une enivrante promesse.

Léon de Laurens ferma les yeux, épuisé par son émotion trop forte. Il eût voulu prolonger ce moment, unique dans sa vie, mais la fatigue le dompta. Un voile confus tomba sur sa pensée, il s’assoupit.

Ses traits, naguère si pâles, avaient un rayonnement de bien-être ; l’espoir, comme un souverain baume, avait guéri sa blessure en la touchant. Il était heureux.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Franz n’avait guère été plus matinal que Petite ; sa nuit s’était prolongée jusque par delà le milieu du jour, mais Dieu sait que ses songes n’avaient point ressemblé à ceux de madame de Laurens !

Il avait rêvé joie, plaisir, folie ; peut-être, dans son sommeil, quelque voluptueux souvenir avait amené le nom de Sara sur sa lèvre ; mais il