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seigneur qui n’a voulu faire qu’un badinage… Il voulait me remplacer auprès de madame, parce que c’est vraiment un office divin que de…

La Topaze fit un mouvement.

Maître Colin s’arrêta effrayé.

— Mais je ne l’ai pas permis, ajouta-t-il en redoublant de prestesse et en épaississant le nuage de poudre qui tournoyait autour de lui. — Madame peut m’en croire… J’ai répondu au vicomte de la bonne façon et comme pouvait le faire le plus respectueux des serviteurs de madame…

— Que dites-vous donc là, maître Colin ? prononça Laure du ton d’une personne qui s’éveille.

Le perruquier se pinça la lèvre ; il était humilié profondément.

— Madame ne m’a pas fait l’honneur de m’écouter ? dit-il en dessinant un raide salut. — Je ne suis pas fait pour occuper l’attention de madame… Madame est coiffée.

Laure se leva et donna un coup d’œil distrait à sa coiffure.

— C’est bien, maître Colin, dit-elle.

Celui-ci salua par trois fois en tâchant de rappeler son sourire, — puis il prit la porte.

Quand il fut dehors, il haussa les épaules énergiquement.

— C’est insolent ! grommela-t-il. — C’est impertinent !… c’est maussade !… et ce n’est, après tout, que la Topaze !…

Cette petite vengeance accomplie, maître Colin, dit Ménélas, à cause du caractère aimable de sa femme, regagna sa boutique.

C’était au tour d’Aline, qui s’approcha de sa maîtresse pour lui demander ses ordres.

— Je monterai à cheval, dit Laure. — Faites prévenir M. le lieutenant de roi qu’il m’accompagnera aujourd’hui à la promenade.

Aline sortit pour transmettre cet ordre à un valet, et revint presque aussitôt.

La poudre changeait peu la physionomie de mademoiselle de Carhoat. Elle adoucissait seulement un peu la fière expression de son visage.

C’est une chose charmante que la poudre ; mais c’est un voile, et sur des cheveux comme ceux de Laure, tout voile était de trop.

Laure se mit entre les mains d’Aline. Une longue amazone de soie grise à reflets roses remplaça sa robe légère ; un corsage étroit emprisonna sa riche taille, et, sur ses cheveux étages, un petit béret de velours se posa de côté coquettement.

Elle était belle ainsi à tourner la tête des gentilshommes de Rennes et de tous les gentilshommes de France.

Comme elle allait descendre, on annonça M. le lieutenant de roi.

M. le marquis de Coëtlogon, qui tenait cette charge, à peu près héréditaire dans sa famille, était un homme d’un certain âge, mais qui conservait une belle mine, malgré son embonpoint un peu exubérant.