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chanteur. — Cela suffit… Madame est une fée… Si madame est prête à se faire coiffer, je suis aux ordres de madame.

Laure prit posture devant si grande glace.

Le petit perruquier salua encore, sourit davantage, et plongea ses deux mains dans les poches de son frac lilas.

On sait ce que peut contenir la poche d’un perruquier : c’est une corne d’abondance où rien ne manque.

Maître Colin, dit Ménélas, à cause du caractère aimable de sa femme, se plaça à la droite de Laure et mit ses deux pieds à la troisième position, comme s’il allait commencer un menuet.

En même temps il arrondit ses bras en zéphir, sucra son sourire, et pencha légèrement la tête de côté. — Cela fait, il planta le peigne dans la belle chevelure de la Topaze.

— Certes, voilà bien des fois que j’ai le bonheur de coiffer madame, dit-il avec un salut timide, mais je ne puis m’accoutumer aux cheveux de madame… Ce n’est pas la parure d’une simple mortelle… et Vénus…

— Y a-t-il du nouveau en ville, monsieur Colin ? interrompit Laure.

Le perruquier inclina son sourire sur l’autre épaule.

— Toujours la même nouvelle, répondit-il. — Tous les jours, on se demande si madame sortira… si la ville jouira de la vue de madame…

— Vous êtes un flatteur, maître Colin ! dit Laure en relevant sur lui son regard.

Le perruquier mit sa main devant ses yeux comme pour fuir un éblouissement inévitable.

— Est-il possible de flatter madame ? murmura-t-il. — L’imagination la plus poétique, dès qu’il s’agit de madame, reste au-dessous de la réalité… Quelle taille !… quel teint !… quels yeux !…

Laure eût imposé silence peut-être à cet irrévérencieux enthousiasme, — mais elle n’écoutait plus.

Son esprit se redonnait à la rêverie.

Maître Colin, dit Ménélas, faisait voltiger son peigne avec une aisance de prestidigitateur.

Et tout en accomplissant sa tâche, il poursuivait complaisamment :

— Ce n’est point mon avis personnel que je dis à madame… Si madame pouvait entrer dans ma boutique à l’heure où je coiffe ma clientèle, sa modestie serait assurément aux abois… On ne tarit pas sur madame… M. le marquis dit ceci… M. le vicomte dit cela… M. le baron propose une gageure… le petit chevalier la tient… et le marquis, le vicomte, le baron, le petit chevalier, tous parlent de madame et ne parlent que de madame !… Madame trouve-t-elle ce crêpé comme il faut ?

— Oui, répondit Laure. — Cela m’est égal.

— Le fait est, riposta témérairement le perruquier, — que madame est peut-