Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/766

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XVII
MAITRE COLIN


Il faut croire qu’au dix-huitième siècle, les femmes galantes de Bretagne n’étaient point si avancées que les marquises sages de Paris : la Topaze ne recevait point à sa toilette.

On n’y voyait point cette foule papillonnante de petits vicomtes, de petits abbés, de petits chevaliers et de gros Mondors, dont abusent si candidement les petits artistes et les petits poètes qui ont inventé les petits soupers.

Car de nos jours, on invente tout. Il s’est trouvé récemment une muse fade pour proclamer sans rire que Voltaire est un être réel et que madame de Pompadour n’est point une marquise fantastique. — Ces deux personnages ayant existé bien positivement, comme on peut s’en convaincre en prenant la patience de feuilleter les pauvres blonds livrets de ladite muse lymphatique et douceâtre.

Laure resta quelques instants seulement devant le miroir de la toilette en marqueterie qui ornait son boudoir.

Puis elle se leva en disant :

— Je suis bien laide ce matin, ma fille ; je veux mettre de la poudre.

Elle passa dans la chambre voisine qui était son vrai cabinet de toilette, et se plaça devant une grande glace à pivot, où elle pouvait se voir de la tête aux pieds.

— Fais monter Colin, dit-elle.

Ces paroles n’étaient pas encore prononcées qu’un petit homme, blanc de poudre depuis le sommet de la tête jusqu’aux basques de son frac, fit irruption dans la chambre.

Il saluait, souriait et sautillait. — Un nuage de poudre voltigeait autour de lui et il apparaissait comme un saint au milieu d’une blanche auréole.

C’était maître Colin, dit Ménélas, à cause du caractère aimable de sa femme, le perruquier à la mode parmi le beau monde de Rennes, et l’homme le plus gracieux qui fût en Bretagne.

— Madame a manifesté un désir, dit-il avec un sourire de perruquier ou de