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Elle saisit le médaillon suspendu à son cou, et le colla sur sa bouche, comme si elle eût voulu chercher dans ses pensées d’amour un refuge contre sa détresse.

Mais le désespoir pesait sur elle d’un poids trop lourd. Sa force fléchit… Sa riche nature se courba domptée.

Elle se jeta sur le sopha et se roula en étouffant des cris d’angoisse…

Du sopha elle glissa sur le tapis. Des convulsions terribles la secouèrent. Elle se tordait parmi ces fleurs froissées par elle, et son beau corps s’agitait sous l’effort d’une douleur poignante…

Lorsqu’elle s’arrêta, sa tête se renversa dans les masses éparses de ses cheveux. — Elle était comme morte.

La petite Aline ouvrit la porte bien doucement, traversa la chambre sur la pointe des pieds et vint s’agenouiller auprès de sa maîtresse.

Elle se pencha au-dessus de son front livide et y mit sa lèvre en pleurant.

Puis elle souleva la tête lourde de Laure et glissa son corps souple sous les masses de ses cheveux, de manière à lui servir d’oreiller.

Ainsi couvert de pâleur et gardant les traces de son martyre, le visage de la Topaze reculait les bornes de la beauté humaine. La tête reposait maintenant sur le sein d’Aline. Elle demeurait toujours immobile. Vous eussiez dit le chef-d’œuvre d’un pinceau sublime qui aurait jeté sur la toile Madeleine morte de repentir…

Aline avait passé ses bras autour de son cou et lui faisait respirer des sels.

Au bout de quelques instants, une rougeur fugitive revint aux joues de la Topaze. Sa bouche trembla et ses paupières se rouvrirent languissantes.

Elle jeta autour d’elle ce regard stupéfait des gens qui reviennent à la vie.

Son regard rencontra le bouquet déposé sur une table. — Sa paupière se referma.

— Merci, ma fille, murmura-t-elle, — tu veilles toujours sur moi, comme un bon ange… J’ai beau t’éloigner, tu sais deviner ma souffrance… et tu viens.

— Je vous aime tant, notre demoiselle, répliqua la jeune fille ; mais ce que je ne puis deviner, c’est la cause de votre souffrance… Vous, si belle, et que chacun croit si heureuse !

Laure, au lieu de répondre, lui fit une caresse et tâcha de sourire.

Elle se releva péniblement et reprit sa place sur le sopha, où elle demeura immobile.

Elle ne tressaillait plus, et l’angoisse vive ne tordait plus ses muscles sous le satin tourmenté de sa peau. Elle avait le calme de la fatigue affaissée. Ses paupières alourdies retombaient à demi comme si elles eussent supporté un lourd poids de sommeil. Les belles lignes de son visage se reposaient mornes, et semblaient tranchées dans le marbre. — C’était un désespoir immobile et muet.

Elle souffrait encore, mais c’était un sourd martyre qui la poignait au plus profond du cœur, et ne laissait plus percer au dehors ses mystérieux élancements…