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respectueux, le jeune médecin crut s’être trompé, tant il lui paraissait invraisemblable qu’un homme pût mettre en doute les perfections de Sara !

Elle s’avança vers le lit d’un pas empressé, mais toujours gracieux, et ne prit pas le temps de répondre aux saints des deux docteurs.

L’aspect de son mari lui mit sur le visage une pitié désolée ; on eût dit qu’elle avait le cœur déchiré.

— Parlez-moi vrai, murmura-t-elle en arrachant ses paroles une à une, oh ! ne me cachez rien ! Y a-t-il du danger ?

— Non, répondit Mira froidement, pas encore.

Petite se tourna vers lui ; son regard avait une expression indéfinissable.

Saulnier, qui l’intercepta au passage, y vit de la reconnaissance et comme un doute effrayé.

— De l’espoir ! madame, dit-il ; l’état de M. de Laurens est toujours le même, et vous savez qu’il est fort abattu après chacune de ces crises.

— Quelle affreuse maladie ! s’écria Petite, qui avait des larmes dans la voix ; mon Dieu ! mon Dieu ! ne voulez-vous donc point le sauver !… Hier, quand vous l’avez quitté, docteur, ajouta-t-elle en s’adressant à Saulnier, j’ai cru pouvoir me retirer… il était bien ; il paraissait ne pas souffrir… et maintenant, après quelques heures de repos, je le retrouve à peine reconnaissable !

Elle mit son front entre ses mains, et tira du fond de sa poitrine un poignant soupir.

— Oh !… oh !… fit-elle, comme si elle ne pouvait plus parler ; j’en mourrai !

Saulnier jeta un regard au docteur Mira, comme pour lui dire :

— Voyez !… et c’était cette femme que vous aviez l’air d’accuser.

Le Portugais avait repris son sourire amer, parce que Petite lui tournait le dos.

Le malade s’agita faiblement et ses yeux s’ouvrirent à demi. Petite se pencha au-dessus de son chevet ; elle prit ses deux mains pour les réchauffer dans les siennes.

Certes, le médecin Saulnier aurait eu raison près de tout le monde, et