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étages, et disparaissait pour revenir bientôt avec des pots vides qu’elle allait remplir à la cave.

Chaque fois qu’elle ouvrait cette porte, on entendait comme un écho lointain de chants confus et rauques : — ce même écho que Hervé Gastel avait entendu en haut et en bas du rocher dans le silence de la nuit.

On descendait à la cave par deux issues dont l’une, recouverte d’une trappe, s’ouvrait à gauche derrière l’un des grands lits. — L’autre donnait en dehors de la chambre commune. Noton ne prenait point ce dernier chemin pour aller remplir ses pots vides, parce que ses vieilles jambes n’auraient pu franchir, sans trébucher, l’échelle roide et longue qui conduisait de ce côté à la cave.

L’autre ouverture, au contraire, donnait sur un escalier praticable, à la rigueur, que l’on pouvait suivre sans nécessité absolue de se casser le cou.

Noton Renard venait de descendre l’escalier de la cave avec deux pots ou pichés vides à la main, lorsqu’elle reparut à la trappe. La pauvre vieille, essoufflée, s’appuya au coin du lit pour respirer.

— Boire, toujours boire !… murmura-t-elle, — et blasphémer… et hurler des refrains qui viennent de l’enfer !… Ah ! s’il n’y avait pas là tout près un enfant du bon Dieu qui protège la maison, le diable nous aurait déjà fait des siennes ! Mais on dit que ça suffit d’une bonne prière pour empêcher le démon d’entrer dans un logis… et l’enfant prie tous les soirs… Ah ! qu’il est beau quand il prie, et que Jésus doit aimer le son de sa voix !…

Elle se remit sur ses jambes tremblantes et gagna la petite porte qu’elle poussa du pied. — La petite porte retomba derrière elle.

Elle se trouvait dans un couloir étroit et obscur où l’air épais avait des saveurs humides.

Des bruits de voix, indistincts et confus, se mêlaient au loin. — Le sol était glissant sous les pas de la vieille femme.

Malgré les ténèbres complètes, elle marchait droit devant elle sans tâtonner, et comme fait l’aveugle dans une route souvent parcourue.

Au bout d’une vingtaine de pas, elle poussa du pied une seconde porte qui s’ouvrit et laissa pénétrer dans le corridor une lueur assez vive.

On aurait pu voir, à l’aide de cette lueur, que le chemin suivi par Noton Renard était un boyau étroit, taillé tantôt dans le roc vif, tantôt dans la terre, et dont les parois suintaient une sorte de transpiration brillante.

La pièce où elle entra, en sortant de ce couloir, était de forme ronde, d’une étendue considérable, et s’éclairait par une résine soutenue à l’aide d’un bâton fendu et fiché dans le roc.

Cette lumière insuffisante donnait à peine une forme aux objets. — On distinguait néanmoins, çà et là, des armes jetées pêle-mêle, une demi-douzaine de petits barils devant contenir de la poudre, et quelques vêtements de diverses espèces accrochés à des clous. Dans un coin, il y avait un chevreuil à demi-écorché.